la porte ouverte 103
1999
Je trouve enfin un travail stable dans une agence de voyages. Il n’y a que des femmes qui travaillent et j’apprécie l’ambiance vraiment différente, une ambiance féminine. Niveau travail, il y a un retard énorme, les armoires sont vides par contre le bureau est plein de papiers mélangés. De plus la comptabilité n’est pas habituelle et je dois me familiariser avec de nouvelles méthodes. Mon premier rapprochement bancaire dura trois jours, jusqu'à ce que je l’améliore et qu’il ne me prenne plus que dix minutes.
Nous fêtons aussi toutes ensemble les anniversaires et les fêtes qui nous donnent l’occasion de nous détendre un peu. Et les filles au boulot, quand il n’y a pas d’hommes au milieu se conduisent d’une manière complètement différente, pas de jalousie et beaucoup de plaisanteries, un vrai harem sans pacha.
Pas d’interdiction de fumer non plus à l’époque, et moi je ne fumais plus mais mon bureau situé tout au fond de l’agence, servira de lieu de détente à toutes les filles que e verrai défiler pendant des années. Seul inconvénient, je devrais laisser ma fenêtre toujours ouverte même en hiver, et je suis plutôt frileuse, mais là encore, le fait d’être entre filles m’autorise à porter tout l’hiver de grosses vestes pas très seyante
On se raconte nos petites histoires, et la cigarette n’est qu’un prétexte finalement pour avoir un peu de liberté du moins jusqu'à l’interdiction qui fit que je me retrouvais toute seule toute la journée et ce fut ce qui m’a le plus gênée puisqu’il n’y avait pas de balcon et que nous étions au quatrième étage. Pas très agréable de sortir et de marcher pour juste fumer sa clope.
Je finis quand même par rattraper le retard et réorganiser complètement ce service dont j’étais l’unique employée. Il y a bien des jours ou l’ambiance est plutôt tendue, comme partout, mais dans l’ensemble je n’avais pas à m’en plaindre. Enfin jusqu'a ce que la loi anti tabac entre en action, et changea tout.. Plus rien ne fut pareil, accepter un travail en dessous de ses capacités, accepter de n'avoir aucune augmentation en dehors de la prime d'ancienneté tant et si bien que mon salaire en dix ans fut presque rattrapé par le SMIC, à trente centimes d'euros près.. Accepter aussi que peu à peu, enfin assez rapidement quand meme, Internet donne les renseignements qu'autrefois je donnais, faire des resultas mensuels qui ne furent pratiquement jamais lus, tout cela est bien dur à mon age, comme fin de carrière, je crois que je n'aurai jamais imaginé cela à 30 ans...
2000
Ce soir là, je suis assise sur mon lit et appuyée contre le dossier, les jambes repliées, je suis en train de lire un livre. Je n’ai pas sommeil ce soir, la journée n’a pas été formidable, contrariée au boulot, contrariée à la maison également, les enfants qui, hélas, grandissent et changent à une allure déconcertante, je ne les reconnais plus.
Je finis par poser mon bouquin, je n’arrive pas à accrocher à ma lecture, cela fait trois fois que je relis le même passage sans le lire vraiment. Je pose les bras autour de mes genoux et le livre tombe à mes pieds, sur la couette du lit. Je ne dis rien, je regarde simplement devant moi ne fixant rien des yeux en particulier. Dans la chambre, un grand silence s’installe et petit à petit, même le bruit du poste de télévision dans la salle à manger en bas s’étouffe. Je réfléchis à ma journée et pousse un soupir amer.
Mon regard se ballade d’une chose à l’autre, sans vraiment regarder quoi que ce soit, quand soudain, du coin de l’œil, je vois passer un gros chat. Bizarre, il y a bien deux chats dans la maison, mais aucun n’est entré dans ma chambre, la porte étant fermée, et surtout aucun ne ressemble à celui là. Je regarde l’endroit ou j’ai vu le chat, rien, bien sûr. Je secoue la tête, j’ai l’habitude maintenant de voir des choses comme cela.